Les Poilus Chozoyards
Un document produit par Christian Jacquier à l'occasion du centenaire de l'armistice 1918
Des Chiffres
Nous allons analyser tout au long de ce document les hommes, nés à Chozeau qui ont participé à la Grande Guerre (deux d’entre eux ne remplissent pas cette condition CHEMIN Joseph Pierre et CHEMIN Claude Léon qui sont nés à Dizimieu mais figurent sur le monument aux morts de Chozeau). Pour cela, nous avons consulté toutes les naissances des enfants de sexe masculin du village, de 1868 à 1899, correspondant aux classes ayant participé à la guerre ; soit un total de 166 + 2 = 168 conscrits mobilisables.
Parmi ceux-ci il en existe un certain nombre pour lesquels nous n’avons retrouvé aucune information, peut-être ont-ils quitté la commune en bas âge. Le nombre de ceux-ci s’élève à 32 soit environ 19.1 %.
Il existe aussi les individus qui sont décédés en bas âge (avant leur 20 ans) et n’ont pas pu être mobilisés, nous arrivons à un total de 30, soit 17.9%.
Certains ont fait leur service militaire (avant 1914) mais sont décédés entre leur incorporation et 1914 ; ils sont au nombre de 7, soit 4.2%.
Enfin Nous avons ceux qui ont été réformés définitivement soit un total de 7 personnes et 4.2%.
Sur les 168 individus qui auraient pût partir à la guerre, 44 n’y ont pas participé, en raison de décès précoce, de réforme et 32 n’ont pas laissé de traces (ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas participé à cet événement mais sans doute étaient-ils alors basés dans d’autres départements.
En définitive 90 poilus issus de Chozeau, soit 53.6% des enfants nés à Chozeau ont pris part à cette guerre, dont nous célébrons cette année le centième anniversaire de l’armistice.
Entre 1914 et 1918, environ huit millions d’hommes, entre 18 et 45 ans sont mobilisés, soit 20% de la population.
Quelques Rappels
Organisation de l’armée vers 1914-1918 :
Selon son âge, chaque homme doit s’acquitter de ses obligations militaires, passant par trois armées réglementaires différentes :
L’armée d’active :
Elle est composée des hommes âgés de 21 à 23 ans c’est-à-dire nés en 1891, 1892, 1893 et au-delà. La durée du service est de trois ans.
Sont mobilisés dès le début du conflit les régiments d’active : numérotés de 1 à 176.
L’armée de réserve :
Elle est composée des hommes âgés de 24 à 33 ans, c’est-à-dire nés entre 1881 et 1890. La durée est de onze ans.
Sont mobilisés dès le début du conflit les régiments de réserve : numérotés de 201 à 421.
L’armée Territoriale :
Elle est composée des hommes âgés de 34 à 39 ans c’est-à-dire nés entre 1875 et 1880. La durée est de sept ans.
Sont mobilisés tout au long du conflit, les régiments de la territoriale et de la réserve territoriale.
La réserve de la territoriale :
Elle est composée des hommes âgés de 40 à 45 ans, c’est-à-dire nés entre 1868 et 1874. La durée est de sept ans.
Rapidement la réserve de l’armée territoriale incorpore les hommes âgés de 46 à 49 ans c’est-à-dire nés entre 1868 et 1865. Les unités territoriales ne sont jamais utilisées en temps de paix.
A l’époque un homme « doit à l’armée » : 3 ans + 11 ans + 7 ans + 7 ans soit 28 ans.
Nous avons fait figurer dans les tableaux le type d’armée dans laquelle étaient affecté chacun des poilus Chozoyards lors de son incorporation en 1914.
Les Régiments
Nous donnons ci-dessous la signification des abréviations employées dans les tableaux pour désigner les régiments.
BCA | Bataillon Chasseurs Alpins (également BCP - Bataillon Chasseur à Pieds) |
G | Génie |
ILA | Infanterie Légère d'Afrique |
RA | Régiment Artillerie |
RAp | Régiment Artillerie à pied |
RAC | Régiment Artillerie Coloniale |
RAL | Régiment Artillerie Lourde |
RAM | Régiment Artillerie de Marine |
RAm | Régiment d'Artillerie de montagne |
RAP | Régiment Artillerie à Pied |
RAc | Régiment Artillerie de campagne |
RD | Régiment Dragons |
RG | Régiment du Génie |
RI | Régiment d'Infanterie |
RIC | Régiment d'Infanterie Coloniale |
RTA | Régiment Territorial d'Artillerie |
RTI | Régiment Territorial Infanterie (formation militaire composée des hommes âgés de 34 à 49 ans, considérés comme trop âgés et plus assez entraînés pour intégrer un régiment de première ligne d’active ou de réserve). |
RT | Régiment du Train |
RR | Régiments Régionaux |
Les Tableaux
Les tableaux récapitulatifs sont montés par classes, d’appel croissant ; nous rappelons que la classe est définie par l’âge de naissance plus 20 ans, ainsi un homme né en 1900 fait partie de la classe 1920. Nous allons, dans notre analyse de la classe 1888 à la classe 1919.
Nous avons fait figurer dans ce tableau les éléments suivants :
- Nom, prénom, date et lieu de naissance,
- La profession,
- Le numéro matricule à l’incorporation (c’est un renseignement primordial lors de la recherche du parcours d’un soldat),
- Divers renseignements lors de l’incorporation dans l’armée d’active (date d’arrivée au corps, Régiments, date de passage dans les diverses armées, le grade,
- De même, nous avons fait figurer le type d’armée lors de la remobilisation en 1914, puis le même type de renseignement que ci-dessus,
- L’âge lors du rappel,
- Les dates des campagnes contre l’Allemagne,
- Les médailles, décorations et citation que le soldat a pu obtenir,
- Les blessures ou infirmités,
- Les prisonniers de guerre,
- Le décès période civile et en temps de guerre,
- Le dernier domicile connu (par l’armée),
- Et enfin une colonne fourre-tout dénommée Divers.
Les Patronymes
Allard |
Brossat |
Frizon |
Piot |
Bargeon |
Chapuis |
Froquet |
Quincieu |
Bas |
Charpenet |
Gandil |
Radix |
Baubillon |
Charrel |
Gandit |
Reyboz |
Begay |
Chemin |
Garçon |
Rivier |
Berchtold |
Chevalier |
Genin |
Rogeran |
Berlioz |
Cochet |
Gilibert |
Roux |
Bert |
Colombin |
Giroud |
Rozant |
Billaudon |
Colombin |
Gonin |
Sestier |
Bisson |
Comte |
Guicher |
Sivord |
Blache |
Corand |
Gumin |
Tabardel |
Bobillon |
Cotte |
Laneyrie |
Tachet |
Bonvallet |
Cottin |
Latreille |
Thollon |
Bornaz |
Courand |
Margain |
Trichon |
Borne |
Drivier (Bouvet) |
Meunier |
Tuderot |
Bourgeois |
Dupuis |
Mollard |
Varnieu |
Bouvet |
Fabry |
Pacalin |
Veyssilier |
Brizin |
Fattin |
Pascal |
Vial |
Bron |
Fechet |
Pauloz |
Vincent |
Il existe 76 patronymes différents à l’époque sur la commune de Chozeau, nombre d’entre eux ont disparus à l’heure actuelle.
Les Fratries
Très peu de famille ont vu partir une fratrie complète :
- Berlioz, trois frères sont partis.
- Chemin, deux frères sont partis
- Cochet, trois frères sont partis.
- Meunier, trois frères sont partis.
- Meunier, trois frères sont partis.
Nous rappelons qu’il faut interpréter avec précaution certains résultats, pour lesquelles nous manquons d’informations.
Les Professions
Nous avons réalisé des statistiques sur les professions exercées par nos ancêtres ; sans surprise les cultivateurs et agriculteurs arrivent très loin en tête avec 70% des appelés, puis viennent ensuite les charcutiers, profession rattachée à l’exploitation fermière, et enfin les tisseurs, notre région étant alors fortement impactée par le tissage.
Les Blessés
Cochet | Claude | Blessé 07/1917 |
Cochet | Jean Joseph | Evacué Blessé 05/10/1916 à Nieuport. Fracture humérus droit, passe d'un hôpital à l'autre jusqu'en 1919 ou il est réformé temporaire le 31/07/1919. |
Mollard | Félix Joseph | 03/07/1915 blessure accidentelle (entorse) 18/08/1915 au dépôt 13/10/1915 (entorse) le 27/12/1916 rejoint la Cie 03/11/1916 évacué blessé 23/12/1918 rejoint la Cie 01/08/1918 évacué gazé, le 20/10/1918 au dépôt |
Chemin | Joseph Théodore | Evacué blessé au bois des Caurières 15/02/1917, plaie en séton avant-bras droit et plaie région lombo-dorsale par éclat de torpille. |
Berlioz | Léon | 26/12/1914 Evacué blessé le 26/12/1914 au 2/07/1915. Retour le 21/03/1916 |
Varnieu | Joseph | Blessé le 16/06/1916, près de Verdun, "plaie à la jambe droite" par éclat d'obus. Retour à l'armée le 28/10/1916. |
Cottin | Jean Claude | Blessé le 24/09/1914 à Fauconevurt?, cicatrice de la région temporale et auriculaire gauche, atteint de surdité, évacué le 25/09/1914, retour armée le 26/05/1918. |
Fabry | Louis Michel | Blessé au pied (pied droit) pris sous une roue, le 25/11/1915, hôpital 26/04 au 03/051918 pour troubles digestifs avec amaigrissements, hôpital du 08/06 au 30/07/1918 pour plaie profonde cuisse droite. Blessé accidentellement par chute le 20/11/1918. |
Berlioz | Auguste Alexandre | Blessé évacué le 18/01/1917 (Mort Homme). Retour le 02/03/1917 Blessé évacué le 28/03/1917 Beauséjour. Dépôt le 05/12/1917 Proposé pour changement d'arme 10/01/1918 (artillerie de défense) pour plaies multiples face postérieure du bassin, cuisse et jambe droite gênant la marche. |
Piot | Joseph | 09/06/1915 blessé à la jambe droite par éclat d'obus à St Mihiel. 25/03/1916 blessé par balle près du fort de Monsninville (Meuse). Hospitalisé à Pithiviers (Loiret) le 21/03/1916. |
Radix | Jean Claude | Blessé par balle à l'épaule gauche, à Roye, évacué le 19/08/1918, rejoint la Cie le 21/11/1918. |
Giroud | Augustin | le 05/10/1915 blessé par éclat d'obus au mollet gauche, en Champagne, évacué. Proposé pour la réforme temporaire le 20/091917. |
Blache | Jean Louis Alexandre | Blessé par balle "fracture du crâne" à Cambrai le 02/10/1914 Fait prisonnier le même jour. |
Meunier | Alexandre | Blessé et évacué le 22/06/1917 à Louvemont (Meuse), éclat d'obus cuisse droite et plaie par balle épaule gauche. Blessé le 11/10/1918 à Bouchaimecourt (Aisne) par balle à la hanche gauche. |
Cotte | Joannes François | Blessé à Verdun le 30/03/1916 "plaie par éclat d'obus, région pectorale" Décédé le 15/03/1917 à 11 heure suite à des blessures de guerre sur le champ de bataille au nord de Dihovo |
Vincent | Jean Claude | Le 04/07/1916 blessé au bois des Haies, Lorraine à la cuisse gauche par éclat d'obus. Le 07/09/1916 blessé dans la région lombaire et plaie en séton des 2 fesses par éclats d'obus à la ferme de l'hôpital. |
Meunier | Auguste | Blessé à Fère en Tardenois le 31/07/1918 |
Sur les 90 poilus Chozoyards 17 ont été blessés soit environ 20%.
Le Service de santé des armées
La gestion des blessés est régie d’une façon très coordonnée :
En Zone des Armées (ou ZA), cette zone est placée sous le commandement exclusif du Commandant en Chef au Grand Quartier Général.
Le blessé, récupéré sur le terrain, soit par ses collègues, soit pris en charge directement par les GBD (Groupe de Brancardiers Divisionnaires) de la DI à laquelle était rattaché l'unité du soldat, est conduit au PS (Poste de Secours) puis rapidement après les premiers soins, au Point de Concentration (terminus de la route praticable) si celui-ci existe, où les SSA (Section Sanitaire Automobile ou hippo) vont pouvoir le prendre en charge pour le transporter à l'ambulance de triage désignée à l'Ordre du Jour, en général assez proche (inférieur à 10km).
Le blessé est acheminé vers une ambulance chirurgicale ou un CH (centres hospitaliers) ou un HOE (Hôpitaux d’Origine d’Etapes) voisin qui disposent d'équipes chirurgicales et de matériels adaptés.
Les ambulances automobiles chirurgicales (dites « autochirs ») se distinguent toutefois de ces configurations. Premiers véritables hôpitaux mobiles, elles prennent en charge les grands traumatisés.
Les H.O.E., (Hôpitaux d’Origine d’Etapes) quant à eux, sont des formations sédentaires installées à proximité d’une gare régulatrice : ils ne sont que des étapes de tri et de répartition avant l’évacuation vers l’arrière. Seuls les blessés intransportables y effectuent des séjours longs.
Au fil de la guerre, compte tenu de leur importance, on distinguera des HOE B et des HOE A (toujours sans ou avec numéro)
HOE B: formations sanitaires constituant aux armées de grands centres de traitement et d'évacuation.
HOE A: formations sanitaires ne pratiquant que l'évacuation et n'étant dotés que de quelques lits d'hospitalisation.
Dans un second temps, souvent après 1, 2, ou 3 semaines de soins, le blessé ou malade, après avis favorable du médecin-chef, sera dirigé sur la ZI (zone de l'Intérieur), vers un département désigné à l'avance et attribué à l'Armée n° X d'où provient le blessé ou malade.
Zone de l’Intérieur (ZI)
« Hôpitaux de l’intérieur ».
Le terme comprend les grands hôpitaux militaires (hôpitaux permanents) existant dès le temps de paix (le Val-de-Grâce à Paris, Desgenettes à Lyon, etc.), ou les hôpitaux civils dits « mixtes » des villes de garnison.
Mais il désigne aussi et surtout une myriade d’hôpitaux temporaires. Ces formations, créées pour le temps du conflit, sont d’une extraordinaire diversité en taille (de dix à plusieurs centaines de lits) et en localisation : ils sont logés aussi bien dans des écoles, des théâtres que dans des usines, dans des couvents, des loges maçonniques.
On les désigne par les initiales HA, HB ou HC, suivies d’un numéro.
- HC pour « hôpital complémentaire » placé directement sous le contrôle du Service de santé,
- HA pour « hôpital auxiliaire » sous la direction de la Croix-Rouge française (ou d’une association affiliée),
La S.S.B.M. était la plus importante des sociétés de Croix-Rouge. Elle fut autorisée à prêter son concours au service de l'Armée. Elle accéda à la zone de l'avant (zone des combats), pouvait concourir au bon fonctionnement des trains sanitaires. Les infirmeries de gare dépendaient d'elle.
L'U.F.F. et l'A.D.F. étaient cantonnées dans la zone de l'arrière, mais pas dans la zone des Armées.
La numérotation tenait compte du nom de la société d'assistance et le n° était suivi de "bis":
- SSBM: n° 1 à 100; au-delà n° dans la série des 300;
- UFF: n° 101 à 200; au-delà n° dans la série des 400;
- ADF: n° 201 à 300; au-delà n° dans la série des 500.
- HB pour « hôpital bénévole » créé sur l’initiative d’une personne morale publique (ex : une commune) ou privée (association de bienfaisance, communauté religieuse, etc.).
Les régions militaires d’appartenance y ajoutent ensuite un numéro d’identification.
On a recensé près de 9300 hôpitaux de l’intérieur.
Ainsi la ville de Crémieu a connu entre 1914 et 1919 deux hôpitaux :
- L’hôpital HB n° 38 bis (ancien hospice civil et maintenant EHPAD) à l’époque en autogestion et bénéficiant d’un prix de journée forfaitaire du Service de santé militaire.
- L’hôpital HA n° 53 qui était situé dans les locaux de ce qui fût par la suite la société « INFRABEL » géré jusqu’en juin 1916 par la Société de Secours des Blessés Militaires (S.S.B.M.), qui deviendra l’hôpital complémentaire HC n° 53 géré par le Service de santé. C’est dans cet hôpital que décédera TACHET François Joseph le 8 octobre 1917, figurant sur le monument aux morts de Chozeau.
D’autres hôpitaux fonctionneront beaucoup moins longtemps (en général jusqu’en 1916) à Bourgoin, Jallieu, Saint Marcel-Bel-Accueil, Satolas et Bonce, La Verpillère, Chamagnieu, Charvieu, Heyrieu, Morestel.
Les Prisonniers
Bert |
Simon |
Fait prisonnier le 05/03/1917 |
Gumin |
François |
Fait prisonnier le 28/05/1918, à Crouy |
Piot |
Jean Germain |
Prisonnier (tombé aux mains de l'ennemi à Péronne le 29/09/1914 |
Bron |
Jean Alphonse |
Prisonnier de guerre le 24/09/1914 à Foconcourt (Somme) |
Blache |
Jean Louis Alexandre |
Fait prisonnier le 02/10/1914 à Cambrai |
Gonin |
Louis Claude |
Disparu le 11/06/1916 à Fahure |
Sur les 90 poilus Chozoyards, 6 ont été fait prisonniers soit environ 7%.
La situation de prisonnier n’a pas été très bien perçue en France
C’est suite à la guerre de 1870, au souvenir de Bazaine, mais aussi à la reddition de Maubeuge, qu’il faut comprendre l’ordre général n° 28, donné par le général Joffre, le 28 novembre 1914 :
«Tout soldat fait prisonnier par suite de son insouciance ou de sa négligence, tout chef, qui, par manque de fermeté, laisse prendre une partie de sa troupe par l’ennemi, commet une faute des plus graves. Le commandant en chef décide que tout militaire non blessé fait prisonnier sera, à son retour de captivité, l’objet d’une enquête à l’effet de déterminer s’il y a lieu de prendre, envers lui, des sanctions disciplinaires (...) notamment pour capitulation, désertion à l’ennemi ou abandon de poste en présence de l’ennemi.»
Néanmoins, 600 000 soldats français environ sont faits prisonniers.
Le retour des anciens captifs, est achevé à la mi-janvier 1919, mais l’État les craint car, ayant vécu chez l’ennemi, ils peuvent avoir été retournés et être des espions. Seul est retenu le sacrifice des Poilus pour défendre le sol de la patrie, et est valorisé.
Les Français ne connaissent pas les conditions de la capture et ne la comprennent pas, d’autant que, pour l’essentiel, les prisonniers sont pris indemnes. Même si les Français pensent majoritairement que les prisonniers ont souffert de mauvais traitements en Allemagne, un doute existe sur leur attitude au combat, tant dans les rangs de l’armée que parmi la population. Le secrétaire d’Etat à la Justice Militaire a beau, à la fin de la guerre, insister sur l’attitude des soldats français qui ont « magnifiquement rempli leur devoir», y incluant les prisonniers de guerre et ajouter que les soldats ne peuvent être tenus pour responsables, ayant été pris en groupes, les décisions des officiers qui étaient à leur tête, rien n’y fait. La suspicion persiste.
Les revendications des anciens prisonniers de guerre
Dès l’armistice, les anciens captifs développent des revendications portant sur leur honneur et sur des dédommagements financiers. Depuis 1918, l’Union nationale des Evadés de guerre représente 16 000 hommes dont l’évasion est reconnue comme un fait d’arme mais ils souhaitent que le préjudice moral subi par tous les captifs soit reconnu. Les anciens captifs ont le sentiment de ne pouvoir défendre leur guerre face à celle des Poilus. Et de fait, dès 1919, ils subissent de nombreuses discriminations :
- les distinctions honorifiques consenties aux autres soldats leurs sont refusées. Ainsi, les prisonniers décédés en captivité n’ont pas droit à la mention « Mort pour la France ». cette mention ne leur est accordée qu’en 1922. Ce qui permet aux enfants de prisonniers décédés d’être pupilles de la nation.
- Ils sont exclus du port des médailles honorifiques. Médaille militaire et Croix de guerre. La médaille de la Victoire leur est cependant attribuée comme à tous les combattants.
- Leur nom ne figure pas sur les monuments aux morts. Le fait d’avoir été prisonnier est perçu comme honteux par l’opinion publique.
- Discriminante également, la mesure selon laquelle, seuls les officiers et sous-officiers à solde mensuelle, peuvent bénéficier du rappel de solde. Pour les sous-officiers à solde journalière et les soldats, le doute subsiste sur leur attitude avant leur capture : ils peuvent avoir été pris sans combattre. La Chambre des Députés vote le rappel de solde pour les prisonniers de guerre le 28 décembre 1918. Lors du paiement des indemnités aux soldats, les anciens combattants reçoivent vingt francs par mois passé au front, le prisonnier reçoit quant à lui quinze francs, somme qui l’assimile à une personne non reconnue comme ancien combattant
- De même, ils ne peuvent prétendre à la prime de démobilisation, les députés justifiant leur décision par le fait qu’ils ont déjà reçu le rappel de solde et qu’ils ne peuvent recevoir autant que les soldats qui ont combattu jusqu’à la fin de la guerre. Les veuves ou ayants droits des captifs décédés ne touchent le pécule que si le prisonnier décédé présente des traces de blessures.
- Enfin, seulement 60% des anciens captifs invalides ont pu faire valoir leurs droits à pension car il est fixé à trois mois de la date de sortie des hôpitaux ennemis, mais les enquêtes systématiquement menées en Allemagne prennent plusieurs années.
L’état d’esprit face aux prisonniers de guerre évolue dans les années 1920. Le prix Goncourt 1924 est attribué à Thierry Sandre, un ancien captif. Jean Desbons, le président de la F.N.A.P.G est élu en 1928 député de la circonscription de Tarbes. Les militaires de carrière, prisonniers de guerre - Charles de Gaulle, Henri Giraud, Georges Catroux…- n’ont pas été pénalisés dans leur avancement. Il faut aussi tenir compte des problèmes financiers de la France, les gouvernements successifs attendant le paiement des réparations par l’Allemagne. La loi du 11 mars 1930 crée l’allocation aux combattants à laquelle les prisonniers de guerre peuvent enfin prétendre.
Le sacrifice des Poilus a occulté le sort des prisonniers de guerre, perçus pendant la guerre comme des hommes qui n’ont pas su échapper à l’ennemi. Après la guerre, ils hésitent à faire valoir leurs droits même si la législation les intègre peu à peu comme des combattants.
*
* *
Dès 1915, les autorités allemandes ont mis en place un système de camps, près de trois cents en tout, n'hésitant pas à recourir à la dénutrition, aux punitions et au harcèlement psychologique et alliant l’enfermement à l’exploitation méthodique des prisonniers. Cela préfigurait l'utilisation systématique à grande échelle des camps de prisonniers au cours du xxe siècle.
Cependant, la captivité organisée par les autorités militaires allemandes a aussi contribué à créer des échanges entre les peuples et entraîné chez nombre de prisonniers une réflexion sur leur engagement et leur relation à la patrie.
Certaines clauses de l'armistice du 11 novembre 1918 concernent les prisonniers : leur rapatriement doit être immédiat et sans réciprocité. À cette date, il existe 477 800 prisonniers français vivants, à rapatrier par mer ou par voie ferrée.
Les prisonniers se sont unis pour essayer de faire valoir leurs droits. La Fédération nationale des anciens prisonniers de guerre regroupe soixante mille anciens prisonniers (soit environ 10 % de l'ensemble). Un ancien prisonnier dit : « Notre gloire, c’est d’avoir eu, au lieu de citations, de rubans et de galons, les honneurs du poteau, de la chambre chaude, de la chambre froide, de la prison des représailles ». Sur le plan politique, les prisonniers arrivent à arracher quelques droits, notamment celui de pouvoir faire rapatrier les corps des soldats morts en captivité et surtout de pouvoir bénéficier pour eux de la mention Mort pour la France, ce qu'ils obtiendront en 1922. La Nécropole de Sarrebourg leur est dédiée. Si les prisonniers n’obtiennent pas les 1,26 milliard de francs d’indemnité réclamés, l'article 23 de la loi du 9 décembre 1927 leur accorde une bonification de 4/10 du temps passé en captivité sur leur état de service, portée ensuite à 5/10.
Le mépris envers les prisonniers s'atténue en France. Ainsi, un ancien prisonnier, Thierry Sandre obtient le prix Goncourt 1924. Le film la Grande Illusion de 1937 fut un très grand succès. Pourtant Jean Renoir qui n'y croyait pas aurait, dans un premier temps, refusé le scénario en ces termes : « Vous vous foutez de moi ! Une histoire de prisonniers de guerre, ça n'intéressera personne ! »
Les Décès (Morts pour la France)
Chapuis |
Joseph |
42 ans, territoriale |
Verdun MORT POUR LA FRANCE |
Berlioz |
Léon Noël |
32 ans, Réserve |
Chuignes (Somme) MORT POUR LA FRANCE |
Billaudon |
Joseph |
31 ans, Réserve |
Col d'Anozel - Vosges MORT POUR LA France |
Meunier |
Pierre Edouard |
29 ans, Réserve |
Berry au Bac (Aisne) MORT POUR LA FRANCE |
Bonvallet |
Alexandre François |
29 ans, Réserve |
Launois - Ban-de-Sapt (Vosges) MORT POUR LA France |
Bisson |
Joseph |
29 ans, Réserve |
Lunéville MORT POUR LA FRANCE |
Sestier |
Laurent François |
28 ans, Réserve |
Hirstein Schloss (Alsace) MORT POUR LA France |
Laneyrie |
Joseph Claude |
24 ans, Réserve |
Taintrux (Vosges) MORT POUR LA FRANCE |
Thollon |
François Joseph |
22 ans, Active |
Sompuis (Marne) MORT POUR LA France |
Pascal |
Joseph |
26 ans, Active |
Chozeau "maladie (pneumonie double)" MORT POUR LA France |
Meunier |
Joseph |
21 ans, Active |
Esnes côte 304 (Meuse) MORT POUR LA FRANCE |
Cotte |
Joannès François |
22 ans, Active |
Dihovo (Serbie-Macédoine) MORT POUR LA France |
Margain |
Emile Michel |
20 ans, Active |
Ste Marie à Py (Marne) MORT POUR LA FRANCE |
Tachet |
François Joseph |
21 ans Active |
Crémieu MORT POUR LA FRANCE |
Gonin |
Joseph Claudius |
20 ans, Active |
Bouleuse (Marne) MORT POUR LA FRANCE |
Meunier |
Auguste |
20 ans, Active |
Fère en Tardenois (Aisne) |
Chemin |
Joseph Pierre |
29 ans, Réserve |
Ambulance 915 Auves (Marne) Maladie contractée en service MORT POUR LA FRANCE |
Chemin |
Claude Léon |
24 ans, Réserve |
Ste Marie-aux-Mines (Vosges) MORT POUR LA France |
Le nombre de décès chez les poilus Chozoyards s’élève à 18, soit environ 20%.
Nous avons également fait figurer leur âge au décès ; celui-ci s’étend de 42 ans 20 ans, avec une moyenne de 26 ans.
Nous avons, dans le tableau ci-dessus, récapitulé tous les documents en notre possession afin de réaliser une liste exhaustive de poilus Chozoyards « Morts pour la France ».
La colonne « Relevé » correspond au document que nous étudions, c’est la plus complète avec 18 poilus cités. Seul le dénommé Bourbon Marius, qui figure sur la plaque commémorative de l’église de Chozeau et Chemin Lucien (cité sur une tombe du cimetière de Chozeau, n’y figurent pas.
Le monument aux morts, sur lequel on retrouve les poilus de Chozeau, proposés par le Maire de l’époque. Il manque Berlioz Léon Noel, Bonvallet Alexandre François, Chapuis Joseph, Margain Emile Michel, Thollon François Joseph, Bourbon Marius. On peut supposer que ces hommes avaient quitté Chozeau depuis fort longtemps.
Dans les années 1920-1925, (Chozeau le 30/08/1921), ce sont quelque 36 000 monuments aux morts qui furent érigés malgré les difficultés de la reconstruction. Les pertes massives amènent, le plus souvent, non à glorifier la victoire, mais à honorer ceux qui ont perdu la vie.
Il existe également au cimetière de Chozeau les noms suivants qui ne figurent dans aucun des documents étudiés.
- Chemin Lucien (tombe A072) Mort pour la France à Hautcourt-Malancourt le 25 septembre 1915 à l’âge de 36 ans.
Sa fiche de « Mort pour la France » nous apporte les précisions suivantes :
CHEMIN Lucien Joseph
Soldat de 2ème classe au 258 ème régiment d’infanterie
Matricule n° 895 au bureau de recrutement de Bourgoin
Mort pour la France le 25 septembre 1915 au secteur du bois de Malancourt (Meuse)
Genre de mort : Tué à l’ennemi
Né le 5 janvier 1879 à Moras (Isère).
Transcrit le 7 novembre 1915 à Veyssilieu (Isère).
Il semble avoir été l’époux de CHEMIN Clémentine.
Par contre dans ce même cimetière de Chozeau il n’existe aucune tombe pour les poilus suivants, dont le décès a pourtant été déclaré à Chozeau :
- Billaudon Joseph,
- Pascal Joseph
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Le livre d’or
Les Morts pour la France
Dès 1914,la qualité de "mort pour la France" est attribuée aux civils et aux soldats victimes de la guerre ; ainsi, tout au long du conflit, le ministère de la Guerre tient à jour un fichier de tous les soldats honorés de cette mention qui répondait à des critères précis : seules les personnes décédées entre le 2 août 1914 et le 24 octobre 1919, morts sur le champ de bataille ou à cause de dommages directement imputables au conflit, étaient susceptibles de la recevoir.
Le Livre d'or
Par la loi du 25 octobre 1919, « relative à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande guerre », l'Etat lance le projet d'un Livre d'or comprenant les noms de tous ces héros jusqu'alors anonymes, qui serait déposé au Panthéon.
Le ministère des Pensions, nouvellement créé, est chargé d'établir, à partir du fichier existant, la liste des Morts pour la France de chaque commune ; il l'adresse en 1929 aux maires qui la contrôlent et l'amendent. Des correspondances témoignent souvent de ces échanges entre les deux parties.
Toutefois, les décalages entre les noms figurant sur les monuments aux morts et ceux des Livres d'or proviennent du fait que la liste du ministère est établie en 1929 alors que les monuments aux morts ont presque tous été érigés entre 1920 et 1925.
En principe, les personnes mentionnées sont celles qui sont nées ou résidaient dans la commune au moment de la mobilisation, mais un flou a longtemps subsisté sur cette question ; c'est ce qui explique, pour une part, les divergences entre les listes communales de « Morts pour la France » et les noms portés sur les monuments aux morts.
Ainsi les poilus suivant figurant sur le monument aux morts de Chozeau figurent-ils également sur le monument d’autres communes :
- Billaudon Joseph (Frontonas),
- Bisson Joseph (Chamagnieu),
- Meunier Auguste (Anthon),
- Meunier Joseph (Anthon).